Désolé, je n’ai pas la bande passante.
#29 - La phrase qui fait marrer les ingénieurs Télécom
Bonjour à toutes et tous 👋
J’espère que l’année 2025 démarre bien pour vous. De mon côté, j’ai été gâté pour le premier anniversaire de cette newsletter.
Plusieurs d’entre vous ont répondu au sondage que j’avais glissé dans la dernière édition. Le top 3 des votes :
“Sauf erreur de ma part…” qui fait presque carton plein, et sera le thème de mon prochain article
“Désolé, je n’ai pas la bande passante”, le thème du jour
Un bloc de phrases qui arrivent à égalité : “Tu dois être plus assertif”, “On a toujours fait comme ça”, “Cela fait sens”, “C’est quoi le so what ?”, “Nous devons être plus agiles”.
L’autre satisfaction, c’est ce post de rentrée d’Eric Larchevêque (l’un des membres du jury de l’émission Qui veut être mon associé ?). Autant d’idées de phrases rigolotes en un seul post, je n’étais pas prêt !
Vous l’aurez compris, avec toutes ces phrases corporate à décrypter, j’ai de quoi m’amuser pour plusieurs mois !
Pour ce nouvel épisode, j’ai choisi de parler de bande passante, une sorte d’hommage à ma formation d’ingénieur Télécom (oui, oui, je suis vraiment ingénieur même si mon métier n’a désormais rien à voir…).
Bonne lecture !
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La phrase du jour
Réseaux Télécom 101
En 2002, j’intégrais Télécom Bretagne, une école d’ingénieurs située à l’ouest de Brest : “l’école la plus proche des US” disait Bernard, le directeur de l’époque. 🤣
Dans les cours sur les réseaux de télécommunication, on parlait de bande passante pour désigner le débit maximal d’informations qu’il est possible de transmettre d’un point A à un point B. Autrement dit, la taille du tuyau.
Et c’était un terme connu du grand public !
À cette époque, on se connectait à internet avec un modem 56k (vous vous souvenez du temps nécessaire pour charger une page ?), ou pour les plus chanceux avec l’ADSL.
Avoir une connexion internet haut débit était un luxe, qui se payait cher. Pourtant, il fallait être (très) patient pour télécharger le dernier album de Radiohead ou le screener de mauvaise qualité du dernier Seigneur des Anneaux…
Maintenant, plus personne ne se soucie de la bande passante de sa connexion internet. Il est possible de regarder un film HD sur son smartphone dans le métro qui nous emmène au bureau.
Il n’y a plus de problème de bande passante !
Et pourtant, une fois au travail, vous pourriez entendre la phrase : “Désolé, je n’ai pas la bande passante”.
Mais pourquoi ?
La bande passante : la bonne excuse !
Quand quelqu’un nous demande de faire une tâche, nous pourrions tout simplement dire “Désolé, je n’ai pas le temps”.
Cependant, certains considèrent que le temps d’un salarié appartient à son employeur. Invoquer un manque de temps risque de déclencher une désagréable négociation :
“Allez, cela ne te prendra que quelques heures par semaine” = Le sujet prendra beaucoup plus de temps en réalité mais une fois que tu auras commencé, tu ne pourras plus reculer.
“En t’organisant bien, ça devrait passer” = Si ça ne passe pas, c’est que tu n’es pas assez efficace = C’est toi le problème !
“Revoyons ensemble tes priorités pour libérer du temps” = Je vais te prouver que tu peux le faire tout en gérant tes autres activités.
En utilisant le terme “bande passante”, nous espérons mettre en avant une limite physique : la bande passante serait-elle moins malléable que le temps ?
Ne nous y trompons pas, “Je n’ai pas la bande passante” est surtout une bonne formule pour faire passer un message à celui qui essaie de vous refiler du travail.
J’ai très souvent utilisé cette phrase :
1️⃣ Pour refuser un sujet que je n’avais pas envie de prendre
Si vous avez d’autres activités en cours, le manque de bande passante est une bonne formule pour dire non à celui ou celle qui voudrait vous confier de nouvelles tâches (qui ne vous enchantent pas).
Car oui, avouons-le, si quelqu’un propose un projet enthousiasmant, on fait le nécessaire pour “libérer de la bande passante”. 😉
2️⃣ Pour réclamer du budget en plus
Un nouveau projet arrive et vous êtes déjà bien occupé ? Le contexte est idéal pour négocier et avoir du renfort. Un simple “je n’ai pas la bande passante en ce moment pour gérer ton projet” permet d’essayer d’obtenir un budget pour embaucher, ou pour trouver une solution pour se libérer d’un autre engagement en le transférant à quelqu’un d’autre. 😏
3️⃣ Pour justifier d’un retard
La faible bande passante permet d’expliquer que vous n’avez pas fait ce qui était attendu. Vous citerez les sujets (très importants) qui vous ont occupé. Et le tour est joué !
Certes, le message implicite est : “Ton sujet n’était pas ma priorité” mais prétexter une bande passante insuffisante nous paraît moins brutal.
En synthèse, “Je n’ai pas eu la bande passante” est une bonne excuse car, au travail, tout le monde se plaint d’être surchargé.
Les ingénieurs Télécom ont trouvé la solution !
Quand j’étais étudiant, la capacité des réseaux de télécommunication était un problème qui impactait les utilisateurs et limitait les usages. Envoyer des vidéos de chatons rigolos avec son téléphone portable était de la science fiction.
Aujourd’hui, c’est (malheureusement) possible. La preuve !
La principale révolution est l’augmentation incroyable de la taille des tuyaux.
La fibre optique permet à n’importe quel particulier d’avoir une bande passante que les grandes entreprises auraient bien aimé avoir il y a 15 ans.
Mais les ingénieurs Télécom n’ont pas attendu les évolutions technologiques pour gérer les problèmes de bande passante.
Des normes permettant de faire passer en priorité certaines informations sur les réseaux ont été définies dès 1998.
Le fonctionnement par défaut est le principe First in, First out (ie. premier arrivé, premier servi). Avec la norme IEEE 802.1p, il est possible de classifier le type d’information que l’on transmet sur les réseaux. Il suffit alors de paramétrer les équipements réseaux pour dire, par exemple, que les appels vidéo passent avant les vidéos de chatons (ou l’inverse !).
Les ingénieurs Télécom (qui sont des gens très malins) ont compris que l’optimisation de la bande passante passe par la priorisation !
On fait la même chose au travail ?
Plutôt que de répéter sans arrêt ne pass avoir de bande passante, nous ferions bien d’appliquer les recettes qui marchent dans le merveilleux monde des télécoms.
La première piste est d’augmenter la bande passante du travailleur.
Nous sommes en bonne voie. Le travailleur augmenté, qui produit toujours plus et mieux, est la plus grande promesse de l’IA. Ça fait rêver, non ?
L’autre piste, plus prometteuse à court terme, consiste à mieux gérer les priorités.
Les méthodes sont bien connues : apprendre à estimer sa charge de travail, discuter en transparence des priorités avec les donneurs d’ordre, oser dire non…
C’est décidé, dès aujourd’hui, j’arrête de dire que je n’ai plus de bande passante.
Je vais travailler plus intelligemment et prioriser pour faire honneur à mon diplôme d’ingénieur ! 👨🎓
A bientôt pour le prochain épisode 😀
Jérôme
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Je suis Jérôme Labastie, consultant et formateur en organisation & management.
J’ai cofondé Onirio, un cabinet de conseil et formation qui aide les entreprises à changer positivement leurs façons de travailler. Pour découvrir ce que nous faisons, c’est ici : https://onirio.fr